DÉFENDRE LA DÉMOCRATIE : JETER LES BASES D’UN CENTRE POUR LA RÉSILIENCE DÉMOCRATIQUE À L'OTAN
Les pays démocratiques sont aujourd'hui confrontés à des menaces multiples et croissantes, tant sur le plan interne qu’externe. Terrorisme, extrémisme, désinformation, ingérences de puissances extérieures ciblent, au cœur même des sociétés démocratiques, tous les principes et les institutions et cherchent à saper la confiance des citoyens dans celles‑ci. Les régimes autocratiques de Moscou, de Pékin ou d'ailleurs visent à promouvoir en parallèle leurs « modèles alternatifs » de répression, de mépris à l’égard du droit international et des droits fondamentaux, tout autant qu’ils ne s'efforcent de saper l'ordre international fondé sur des règles.
L’invasion renouvelée et totale ordonnée par le président Vladimir Poutine contre l’Ukraine en février 2022 constitue une attaque flagrante contre les principes les plus fondamentaux qui sous-tendent l’ordre international depuis la fin de la seconde guerre mondiale – des principes auxquels Moscou avait pourtant librement souscrit. Par cette agression, la Russie cherche à anéantir la démocratie en Ukraine, à intimider d’autres pays où rougeoient la moindre braise d’une ambition démocratique et, par voie de conséquence, à saper la démocratie partout dans le monde.
L'attaque perpétrée contre le Capitole des États Unis le 6 janvier 2021 a démontré que la démocratie au sein de l’Alliance, bien que résiliente, n’en reste pas moins fragile. Dans ce cas précis, il ne s'agissait pas d'une simple attaque dirigée contre les États-Unis, mais bel et bien d’un assaut contre un haut symbole de la liberté et de la démocratie visible aux yeux du monde entier. La démocratie a toutefois prévalu puisque le Congrès s'est à nouveau réuni pour accomplir son devoir constitutionnel et certifier le résultat de l’élection présidentielle. Ce faisant, le Congrès a fermement assuré que les États-Unis sont régis par la primauté du droit et non pas guidés par la vindicte populaire.
L’appel de l’Assemblée a été entendu. Adopté en juin 2022, le nouveau concept stratégique de l’OTAN marque un tournant décisif en plaçant les valeurs démocratiques partagées au cœur de la réponse adressée par l’OTAN aux défis d’aujourd’hui. L’Assemblée invite désormais les Alliés à traduire cet engagement renouvelé en actions concrètes.
MARQUER LA RÉSILIENCE DÉMOCRATIQUE COMME UNE PRIORITÉ ABSOLUE POUR L'ADAPTATION DE L'OTAN
En tant qu'alliance de pays démocratiques, l'OTAN doit jouer son rôle pour protéger et promouvoir la démocratie, ainsi que pour renforcer l'aptitude de l'Europe et de l'Amérique du Nord à résister et à contrer toute tentative visant à la saper. Tel est le sens de la proposition de création d’un centre pour la résilience démocratique au siège de l’OTAN formulée par l’Assemblée.
Au cours des quatre dernières années, l'Assemblée parlementaire de l'OTAN a estimé crucial de renforcer les fondements démocratiques de l'OTAN pour mieux préparer l'Alliance à l'évolution du paysage de sécurité. Elle a approuvé la création d’un centre pour la résilience démocratique dans 14 de ses résolutions et de nombreux rapports, et en avait fait l’une de ses recommandations-clés pour le concept stratégique de l’OTAN.
En 2019, à l'occasion du 70e anniversaire de l'OTAN, deux rapports jumelés d'Ulla Schmidt (Allemagne) et de Gerald E. Connolly - alors respectivement rapporteurs généraux de la commission sur la dimension civile de la sécurité et de la commission politique -, ont souligné les dynamiques à la fois internes et externes qui en font une priorité absolue.
Les résolutions qu'ils ont parrainées, Réaffirmer l'attachement envers les valeurs et les principes fondateurs de l'OTAN et L'OTAN célèbre 70 ans de paix et de sécurité sous le signe de l'unité, exhortaient les Alliés à se réengager au profit des valeurs démocratiques communes à l'Alliance.
Gerald E. Connolly, États-Unis, ancien rapporteur général du PCTR
Le rapport de M. Connolly intitulé 70 ans de l’OTAN : pourquoi l'Alliance demeure-t-elle indispensable ainsi que la résolution connexe suggéraient alors pour la première fois la création d’un centre pour la résilience démocratique au sein de l'OTAN.
L’Assemblée a renouvelé cette proposition en 2020 dans ses recommandations à l’OTAN dans le cadre de son programme à l’horizon 2030.
Le groupe d’experts indépendant sur l’OTAN à l’horizon 2030 a lui-même appuyé l’idée dans ses propres recommandations au secrétaire général de l’OTAN.
Lors de son élection à la présidence de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN le 22 novembre 2020, M. Connolly a confirmé sa volonté de placer la résilience démocratique au sein de l'Alliance au premier rang de ses priorités présidentielles.
L'une des commissions de l’AP-OTAN a été rebaptisée en commission sur la démocratie et la sécurité. En outre, en avril 2021, l'Assemblée a mis sur pied un groupe de travail chargé de préciser les contours de la création de ce centre OTAN pour la résilience démocratique.
Ce groupe de travail était composé du Bureau de l’AP-OTAN ainsi que du président de la commission sur la démocratie et la sécurité. Il était dirigé par le président Connolly, et avait pour rapporteur Attila Mesterhazy (Hongrie), alors vice-président de l’AP-OTAN. Le groupe de travail a recueilli un certain nombre de témoignages et une douzaine d’avis d’experts indépendants et de fonctionnaires de l’OTAN.
L’engagement renouvelé de l’Assemblée envers les valeurs démocratiques communes à l’Alliance et la création d’un centre pour la résilience démocratique ont fait partie de ses recommandations-clés au regard du nouveau concept stratégique de l’OTAN. Cette proposition était au premier plan du discours prononcé par l’ancien président Connolly à l’occasion du sommet des chefs d’État et de gouvernement des Alliés qui s’est tenu à Madrid en juin 2022. Et la guerre d’agression totale et illégale menée par la Russie contre l’Ukraine en l’absence de toute provocation a rendu cette priorité d’autant plus pressante et essentielle.
NATO Summit, Madrid, 2022
L’Assemblée a été entendue. Comme recommandé, le nouveau concept stratégique de l’OTAN adopté lors du sommet de Madrid reconnaît la menace posée par l’autoritarisme et place les valeurs démocratiques communes au cœur de la réponse adressée par l’OTAN aux défis d’aujourd’hui.
L’Assemblée exhorte désormais les gouvernement alliés à finaliser les dernières étapes concrètes qui permettront de refléter les engagements qui y sont formulés. Une telle mise en œuvre doit passer par l’adoption des politiques et des programmes de travail appropriés qui reflèteront l’attachement renouvelé à nos valeurs démocratiques, mais également par une adaptation sur le plan institutionnel. Un tel centre apporterait cohérence et visibilité aux divers efforts d’ores et déjà entrepris par l’OTAN, tout en leur donnant une nouvelle dimension.
L’Assemblée a renouvelé cette recommandation dans les rapports et résolutions adoptés à Madrid en novembre 2022 et à Copenhague en octobre 2023, à l’occasion de ses sessions annuelles, mais également dans ses recommandations relatives au prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN qui se tiendra à Vilnius en juillet 2023.
Les présidents de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN qui se sont succédés, au rang desquels la sénatrice française Joëlle Garriaud-Maylam (2022-2023), et désormais le Polonais Michal Szczerba (depuis octobre 2023) continuent de pousser cette proposition comme l’une des principales priorités de l’institution.
Michal Szczerba, Poland, president de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN
Je salue la condamnation sans équivoque, par le Conseil de l'Atlantique Nord, de l'intensification des menées hybrides de la Russie à l'encontre des pays de l'OTAN. L'ingérence active de la Russie et sa campagne de déstabilisation démontrent une nouvelle fois que l'OTAN ne saurait se passer d'un centre pour la résilience démocratique en son sein. Il est temps d'agir. Nous devons faire plus, ensemble, pour défendre nos démocraties.
Rejeter cette proposition revient à fermer les yeux sur les agissements de Vladimir Poutine en Ukraine et à laisser prospérer des cellules cancéreuses qui mettent en péril notre avenir. […] La Russie a pour objectif ultime de miner la démocratie, de réduire à néant la sécurité de l’Europe et de mettre à bas l’ordre international fondé sur des règles. Nous devons faire face à cette réalité stratégique collectivement.
Gerald E. Connolly, États-Unis ancien président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN
Joëlle Garriaud-Maylam, France ancienne présidente en exercice de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN
Notre Assemblée est convaincue que l’OTAN tire sa force non pas seulement de sa puissance militaire, mais aussi de notre attachement à nos valeurs démocratiques. [....] Le nouveau concept stratégique de l’OTAN nous a donné raison. [Il] place les valeurs démocratiques au cœur de la réponse de l’OTAN aux défis d’aujourd’hui. Mais pour donner corps à cet engagement, il faut maintenant le traduire en actes concrets. Le sommet de Vilnius doit fixer un cap clair afin de concrétiser cet engagement à défendre nos valeurs.
METTRE EN ŒUVRE LE TRAITÉ DE WASHINGTON ET LE CONCEPT STRATÉGIQUE ADOPTÉ À MADRID
Le traité de Washington est parfaitement clair : l’OTAN est une alliance de démocraties.
Préambule : [les États parties au présent Traité] sont déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit.
L’article 2 : Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être.
Traité de l’Atlantique Nord
Adopté en juin 2022, le nouveau concept stratégique de l’OTAN place les valeurs communes de l’Alliance au cœur de la réponse adressée par l’OTAN aux menaces et aux défis d’aujourd’hui.
« Nous restons fermement résolus à protéger la population de nos pays, soit un milliard de
personnes, à défendre le territoire de l’Alliance et à y préserver la liberté et la démocratie. Nous entendons renforcer notre unité, notre cohésion et notre solidarité, en nous appuyant sur le lien qui unit durablement nos pays par-delà l’Atlantique et sur la force des valeurs démocratiques que nous partageons. » précise son préambule.
Le concept stratégique reconnaît ainsi pour la première fois le défi posé par l’autoritarisme et constate que « des acteurs autoritaires s’en prennent à nos intérêts, à nos valeurs et à nos démocraties. »
Dès les premières pages, il réaffirme que « [n]ous sommes liés par des valeurs communes : liberté individuelle, droits de la personne, démocratie, état de droit. »
Ces valeurs sont rappelées à plusieurs reprises dans le texte et se reflètent dans diverses politiques et missions de l’OTAN (égalité des genres, partenariats et politique de la porte ouverte, partenariat stratégique OTAN-UE, défi systémique posé par la Chine et utilisation responsable des nouvelles technologies).
Les Alliés s’engagent également à « intensifier les consultations lorsque la sécurité et la stabilité d’un Allié sont menacées ou lorsque nos valeurs et principes fondamentaux sont en péril ».
Le concept se termine par un engagement ferme :
Nous resterons unis, en tant qu’Alliés, pour défendre notre sécurité, nos valeurs et notre modèle démocratique.
La proposition d’établir un centre pour la résilience démocratique s’appuie donc sur une adhésion ferme, par les Alliés, à des valeurs démocratiques partagées telles qu’inscrites dans le traité de Washington et vise à traduire en actions concrètes l’engagement renouvelé à les défendre tel que formulé dans le concept stratégique de 2022.
Ce centre serait un point de ralliement qui mettrait à disposition un certain nombre de ressources, mais il servirait également de pôle d’expertise et d’information et d’enrichissement mutuel sur les meilleures pratiques au regard des menaces pesant sur la démocratie et les normes démocratiques. Il apporterait cohérence et visibilité aux divers efforts d’ores et déjà entrepris par l’OTAN, tout en leur donnant une nouvelle dimension. Le centre fonctionnerait de façon flexible et sur base volontaire ; il serait accessible à la demande des membres, des pays partenaires et des candidats à l’adhésion.
Ce centre n’aurait toutefois aucunement vocation à jauger du respect, par les Alliés, des principes démocratiques. Il n’est pas question d’empiéter sur la souveraineté ou de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays membres. Cette structure restreinte et circonscrite ne serait pas non plus contraignante, mais constituerait une ressource accessible aux pays, et un pôle de coordination avec d’autres organisations sur les questions liées à la résilience démocratique.
L’Assemblée exhorte les dirigeants alliés à prendre des mesures concrètes en vue d’adopter les politiques et les programmes de travail appropriés pour refléter l’engagement renouvelé envers nos valeurs démocratiques, mais également en vue d’une adaptation institutionnelle indispensable. De cette façon, l’adhésion de l’OTAN à ses valeurs démocratiques partagées ne restera pas lettre morte.
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